EmbruméDinde farcie à VareigneLe petit tas de bois, Jongler, Au Petit Colibri,

Sans le sou, Corps Céleste, Une vie, Voiture tue, En pas, en rythme et en cadence Main tendue 


Embrumé
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O levez vous par bruine nocturne
Lorsque l’astre d’or abreuve l’autre face
Quittez votre cocon, marchez sans volte-face
Et respirez la ville en son silence de lune.

Au fil des pavés faites-vous le complice
Des vents nourrissant les poumons citadins
De parfums fleuris par les bois mitoyens
Arborant aux rues de tropicales délices.

Epousez l’air courant sous vos pas mélodieux
~~ Adorez-le, faites un compère ~~
Car au ronron fruité de la brise éphémère
Succède le hennissement des autos demi-dieux.

Ainsi l’aube qui s’élève, si rougeoyante, si grâce,
Réveillera le balai des maudits chars cancéreux
Et vous tousserez rauque des propos venimeux
Sur leurs conducteurs qui vous enfument hélas.


Matthieu Marcillaud
12 janvier 2006
Dans le Train Angoulême-Ruffec
Après avoir traversé le réveil de bruine d’Angoulême à vélo asphyxié par
les autos.


Dinde farcie à Vareigne
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Un fermier bien portant emmène sa bedaine,
Ses poulets ses dindons au marché de Vareigne.
Un passant en prend deux, bien pesants, forts charnus,
Donne toute sa monnaie et se retrouve à nu.

A la poêle le dindon perdit toute sa graisse,
Et ce fut petite caille qu’il croqua sans finesse.
Même au four le poulet ne donna aucun goût,
Et seul le pain d’ail fut mangé sans dégoût.

Mécontent il le fut et pensa comme un con
Que cette ville de Vareigne mérite son surnom !
Je vous en fait profiter, répétez à foison :
« Vareigne, cette farce, est capitale du dindon ! »



Matthieu Marcillaud
3 novembre 2005
En voiture vers l’écocentre du Périgord
Après la lecture d’une belle affiche « Vareigne, capitale du dindon ».



 

Le petit tas de bois
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Il fut un bel arbre, qui caressant les cieux,
Cajolant les oiseaux, rendait ses frères envieux.
Mais une nuit de décembre, un souffle pernicieux,
Le fit tomber de haut et le brisa en deux.

Une fois mis en bûche, il voulu se sécher,
Regroupa ses morceaux, à l’ombre d’un noisetier.
Et c’est là sans embûche qu’il a vu défiler,
Bien à l’abri de l’eau, ses meilleures années.

Le petit tas de bois, servit d’habitation,
Depuis qu’il est coupé, à bien des polissons,
Mais ce p’tit tas de bois, rentré dans ma maison,
Pleure d’avoir quitté, ses amis hérissons.

Ils venaient le gratter, en fins acuponcteurs,
Chassaient les trublions qui picotaient son coeur.
Mais ceux qu’il regrettait furent surtout les rongeurs,
Qui jouaient des percussions, les incisives en choeur.

Dès lors il oublia, des rayons du soleil,
Jusqu’à cette couleuvre, qui s’y lovait, merveille.
Disparurent les lézards, qui n’eussent pas leur pareil,
Pour arborer une heure leurs vifs éclats vermeils.

Alors le p’tit tas d’ bois, éloigné de la vie,
Source de toute leçon, dans ces murs dépérit.
Ce petit tas de bois, donnera fin à sa vie,
Bientôt par combustion, dans un profond mépris.



Matthieu Marcillaud
31 octobre 2005
A mon bureau, Angoulême,
Après avoir rentré un tas de bois.




Jongler
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Avançant doucement dans le parc de Fregeneuil,
Il sifflote gaiement, malicieux ouvrant l’oeil,
Il s’enivre nez en l’air, inspirant l’atmosphère,
Oublie la pollution des autos des camions.

Car il jongle, jongle,
Trois balles bariolées batifolent.
Et il jongle, jongle,
Subrepticement elles s’envolent.

En marchant lentement sur la place du Minage,
Il rêvasse en chantant d’impossibles mirages,
Il se cogne la tête et fustige ce park-mètre,
Qui efface les piétons au profit des klaxons.

Mais il jongle, jongle,
Ses deux petits bras s’entremêlent,
Et il jongle, jongle,
J’suis sûr que ses balles ont des ailes.

Saluant l’horizon en longeant les remparts,
Il songe sans raison que vivre est tout un art,
Puis il entend la ’zique d’un moteur thermique,
Ah cette fois c’en est trop, il court vers son vélo.

Et il jongle, jongle,
Toutes ses balles crapahutent,
Et il jongle, jongle,
Mais sa belle balle bleue chute.

Une petite menotte se penche sur les pavés,
Et d’un geste qui dénote une tristesse éprouvée,
Récupère la balle, la lui tend et déballe :
- « Ne faites pas oh non m’sieur tomber la planète bleue. »

Il rejongle, jongle,
Et lui répond terre-à-terre :
- « D’autres jonglent, jonglent,
Avec notre belle Terre. »



Matthieu Marcillaud
30 octobre 2005,
A mon bureau, Angoulême.

Au Petit Colibri
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Lever de bonne heure ce matin,
Les ch’veux en pétard, ça c’est rien,
Samedi de janvier, feuilles givrées,
Mais l’soleil est là, chouette journée.

Quel contraste en fin de semaine,
A la ferme, aventure humaine,
Le p’tit colibri sort de l’oeuf,
De ses rêves dessine un monde neuf.

P’tit déj et causeries au voisin,
Avant le départ faire le pain,
En chemin rire comme des enfants,
S’chamailler et brailler dans les champs.

Souvenir d’un bon week-end,
A la ferme, épopée humaine,
Le p’tit colibri dans son nid
Concrétise sa nouvelle vie.

S’partager les tâches au terrain,
Partir au hasard de bon train
R’piquer les salades des fainéants,
Sur buttes paillées, tête au vent.

Venir ici quelle aubaine,
Douce ferme et chaleur humaine,
Le p’tit colibri sort du nid,
S’aventure sur le sol reverdit.

Semer au passage quelques grains,
P’tit froid au panards et aux mains,
Planter la vigne du verger,
Au sommet des buttes empierrées.

D’une journée au simple domaine,
D’une ferme à la taille humaine,
Le p’tit colibri tend ses ailes
Et s’élance au coeur de la plaine.

Puis rentrer au chaud, épuisé,
Un r’pas végétarien savourer,
La nuit puis dimanche sont passés
Alors on part chez soi tristounet.

On n’récolte que ce que l’on sème,
A la ferme effervescence humaine,
Le petit colibri bat des ailes,
Il s’enivre des fleurs de la plaine.

Les jours de la s’maine, quel dédain,
Sortir du plumard, il faut bien ;
Viv’ment vendredi, que stoppent ces folies,
Pour retrouver ravi la ferme colibri.

Le petit colibri que l’on aime,
Gazouille et gazouille sur la plaine,
Car un verger bio sort de l’eau,
Vie rêvée pour tous les oiseaux.

Matthieu Marcillaud
23 janvier 2006,
A mon bureau,
Angoulême.
Après un week end à la ferme naissante de Richard et Madeleine « au petit colibri ».


Sans le sou

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Voilà trois fois déjà
Qu’il me demande un sou
En sortant de la gare
« Un sou, c’est rien du tout. »

Ce soir le revoilà
Il aim’rait bien un sou
J’préfère l’em’ner au bar
Causer, c’est rien du tout.

J’lui dis quand je te vois
T’es toujours sans le sou
Comment vis tu comm’ ça ?
La rue, c’est rien du tout.

I’m’ dit tu sais mon gars
Avant j’avais des sous
Bosser ça sert à quoi ?
Un jour, c’est rien du tout.

Tu reçois un matin
Une lettre comme un coup
Licenciements groupés
L’injustice, c’est partout.

Pour combler ce festin
L’patron se gave de sous
Plus b’soin d’manifester
D’t’façon, t’es rien du tout.

Tu fais quelques emprunts
Faut bien donner les sous
Mais un soir t’as plus rien
L’argent, c’est rien du tout.

Bénéfices du destin
Tu vends même tes dessous
Ta maison et tes biens
Une vie, c’est rien du tout.

J’lui dis tu sais je crois
Qu’on est riche sans le sou
Plus que l’inverse ma foi
L’argent, ça fait pas tout.

Les rencontres mille fois
Procurent sans un sou
Entraide chaleur et joie
La vie, c’est ça surtout.

Moi j’cueille des rêves au soir
J’cours pas après les sous
J’vis mes ivresses comm’ ça
Et’e pauvre, ça m’fait beaucoup.

I’m dit tu m’f’ras pas croire
Toi qui as quelques sous
Que t’en veux moins que ça
Et’e pauvre, ça fait pas tout.

On vit pas la même chose
Tu sais, pauvreté et misère
Le premier a une âme
Et l’autre six pieds sous terre.

Simplicité des choses
Pour toi c’est volontaire ;
Moi j’ai plus d’état d’âme
Noyé dans ma galère.

Matthieu Marcillaud
20 janvier 2006,
A mon bureau et dans le TER,
Angoulême.



Corps Céleste
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Il est des aurores où l’âme vague, ondule et s’exalte en une salsa sauvage suivant les courbures délicates des rayons écarlates.

Il est des siestes enchanteresses, puisant l’amour dans le zéphyr où l’astre ardent à son zénith offre un bonheur cosmopolite.

Il est des soirées constellées où une étoile luit si fort dans le coeur tendre de l’esprit qu’elle berce à elle seule un homme et sa folie.

Mais nul corps céleste à présent n’oserait détourner mon regard qui patiemment cette nuit s’est posé sur vous plus que sur les infinis.

Car les rimes colorées et les vers gentils dévoilés dans mon ciel par vos fondant murmures subliment la poésie tel un fruit bien mûr.

Et je n’oublierais, douce fleur choyée, tous ces mots parsemés qui gardent de la prairie le parfum où vous les avez cueillis.

Vous, ange des lettres et papillon de vie, femme chatoyante aux éclats d’améthyste, votre beauté d’artiste ravive mes rêves utopistes.

Matthieu Marcillaud
16 février 2006,
A mon bureau,
Angoulême.





Une vie

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Il quittait son travail pour aller travailler,
Construisait une ferme sur sa propriété
Il quittait son travail et retournait bosser,
Besogneux à tout âge, toute heure de la journée.

Il y travaillait tous les soirs,
Et chaque jour, un peu plus,
Il y nourrissait ses espoirs,
Lesquels on n’a jamais su !

Une fois en retraite, il allait travailler
A la ferme construite sur sa propriété,
Une fois en retraite et de longues années,
Il s’échinait les os sur le dos d’ses oiseaux.

Il y travaillait jour et nuit,
Et chaque jour, un peu plus,
Il y bougonnait ses mépris,
Ça on en a entendus !

Il aimait le travail mais vieillesse faisait,
Que son coeur a grippé sur sa propriété,
Il aimait le travail et les femmes i’ paraît,
Prisonnier de la ferme le voilà envolé.

Il y travaillait oh sans cesse,
Et chaque jour, un peu plus,
Il aurait même eu des maîtresses,
Mais on n’les a jamais vues !

Il n’y avait plus personne sur la propriété,
Sa femme l’a suivi bien peu de temps après,
Il n’y avait plus personne et en pièces détachées,
La ferme de sa vie a été démontée.

Il y a travaillé toute sa vie,
Et chaque jour, un peu plus,
Tout fut donné en une seule nuit,
Oh j’vous en prie n’en parlons plus !

Matthieu Marcillaud
11 février 2006,
A mon bureau,
Angoulême.




Voiture tue

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Très tôt dans un tonneau
Trop tard dans un brancard
Entêté ou têtu
Tôt ou tard la voiture tue.

Trop tôt pour le cim’tière
Bien tard mais c’était hier
Guépard ou tortue vois-tu
Tôt ou tard la voiture tue.

Bon taux dans les poumons
Retard à la maison
Le compte-tour n’en peux plus
Tôt ou tard la voiture tue.

Si tôt pour mon bébé
Trop tard l’asthme a frappé
Pollution dans la rue
Tôt ou tard la voiture tue.

Taux d’CO2 dans l’air
Trop tard pour l’atmosphère
Terre qui chauffe n’en peux plus
Tôt ou tard la voiture tue.

Est-ce tôt pour les vélos ?
C’est tard mais il les faut
Choisissez bien vot’ camp
Tôt ou tard pour nos enfants.

Matthieu Marcillaud
20 février 2006,
A mon bureau,
Angoulême.

En pas, en rythme et en cadence
Voilà la rue qui veut changer la France
Les pas des jeunes, en rythme et en cadence
S’élancent et dansent sur de folles percussions
Chantant en transe leurs maux à l’unisson.

Puisqu’on ne nous prends même plus pour des hommes
Puisque pour eux, faut être des bêtes de somme
Allons marcher pour d’autres humanités
Allons fleurir de sens et d’équité
Nos vies, nos villes, villages et cités.

Voilà la rue qui peut changer la France
Les danses des jeunes enivrent la cadence
Tour des remparts aux battements des tambours
Et sit-in à la gare pour fêter le retour.

Puisque l’on rêve d’une vie qui bourgeonne
Puisque la grève, pour certains ça résonne
Allons marcher pour d’autres humanités
Allons fleurir nos rues et nos pavés
De joie, de chants, poêmes et volontés.

Les CRS sans aucune semonce
Tirent sur les jeunes en rythme et en cadence
S’élancent et frappent en de folles percussions
Coupant les danses, les rires et les chansons.

Puisque même calme, on fait peur à ces hommes
Puisque pour eux, on est l’danger en somme
Allons marcher pour d’autres humanités
Allons fleurir d’entraide et d’amitié
Campagnes, villes, taudis et quartiers.

Virés d’la gare en force et en violence
Qui pourrait croire qu’on veut changer la France
Cela résonne jusque aux percussions
Echappatoire à toutes ces questions.

Puisqu’on n’souhaite pas une terre que l’on consomme
Puisqu’on n’souhaite pas un monde où l’on consomme
Allons marcher pour d’autres humanités
Allons fleurir nos rues et nos foyers
De joies, de danses, partages et équités.

 

Matthieu Marcillaud
le 4 avril 2006,
A mon bureau,
Angoulême.
Texte en réaction au manifestations contre le CPE du mardi 4 avril 2006 où les lycéens et étudiants pacifiques qui bloquaient les rails de la gare d’Angoulême depuis une petite heure se sont fait expulser sans sommation par les CRS et par la BAC en civil vers 13h20, usant de grenades lacrymogènes et de matraques alors que les jeunes (qui n’avaient absolument pas mis de bazar, saccagé ou lançé quoi que ce soit...) dansaient sur les vibrations d’un groupe de percussionnistes qui accompagnait les manifestants depuis le matin.



Main tendue

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A Angoulême, deux minutes d’arrêt,
J’descends du train, me voilà pour rentrer.
J’étais à Paris, des rollers à mes pieds,
Sur les grands boulevards, c’est bien pratique tu sais.

Ici les trottoirs j’ai voulu essayer,
Mais en plus d’être étroits, ils sont tout cabossés,
Ce n’fut pas très probant, je suis même tombé
Les deux mains tendues sur le sol escarpé.

J’ai détaché les roues pour pouvoir avancer
Les huit kilomètres, il faut se les coltiner,
Je demande de l’aide pour ne pas m’fatiguer,
Je fais donc du stop, c’est bien pratique tu sais.

Je tendais la main, le pouce élevé,
J’observais les voitures qui toutes défilaient,
Alors j’ai donc marché, continuant d’espérer,
Mais personne n’m’avait pris deux kilomètres après.

J’continuais la grand’route avec la main levée,
Des centaines de voitures ont bien du me doubler,
Sur deux autres kilomètres, toujours aucun arrêt,
J’ai donc pris un chemin, c’est plus gentil tu sais.

J’ai quitté la vie terne pour l’écoulement de l’eau,
J’ai quitté les moteurs pour le chant des oiseaux,
J’ai quitté leurs odeurs pour la douceurs des mousses,
J’leur fais une main tendue, verront-ils que je tousse ?

Il n’y a pas que l’coeur des hommes qui est fermé,
Si leurs seules sorties c’est par la télé,
C’est sûr que personne ne voudra partager,
La richesse trop souvent qui est accaparée.

Il n’y a pas que l’coeur des hommes qui s’est fermé,
Ya aussi les chemins de plus en plus tu sais,
A l’instar des maisons, il faut tout clôturer,
C’est l’reflet de l’esprit qu’on retrouve dans la vie.

Pour rentrer par les bois sans se fatiguer,
Sans le stress du bitume, tout émerveillé,
Faut remercier les âmes qui n’ont pas enfermé,
Leur p’tit coin de nature, belle main tendue tu sais.

 

Matthieu Marcillaud
le 28 avril 2006,
A mon bureau,
Angoulême.
Histoire vécue en rentrant de Paris...